Jérémie mion : "je pars pour la grande aventure !"

Aux Jeux Olympiques de Tokyo, nous n’avons eu d’yeux que pour eux : nos athlètes, nos meilleurs ambassadeurs, ceux qui nous aident chaque jour à rendre nos produits plus performants.

Quatre d’entre eux ont disputé les épreuves de voile, sur le plan d’eau d’Enoshima, au pied du majestueux Mont Fuji : Charline Picon en planche à voile RS:X, Aloïse Retornaz (associée à Camille Lecointre) et Jérémie Mion - Kévin Peponnet en dériveur 470. Si les deux premières ont respectivement décroché l’argent et le bronze, le duo de régatiers est reparti du Japon sans médaille. Deux mois après, nous sommes allés à leur rencontre. Les unes reviennent sur leurs exploits, quand les autres évoquent leur déception. Tous racontent surtout « l’après Jeux », le regard déjà tourné vers leurs projets futurs, avec Paris 2024 à l’horizon. Un entretien en trois épisodes, dont voici aujourd’hui le dernier volet. Après Charline Picon et Aloïse Retornaz, rencontre aujourd’hui avec Jérémie Mion, bientôt prêt à prendre le large !

BONJOUR JÉRÉMIE, MÊME QUESTION QU’AUX FILLES POUR COMMENCER : COMMENT VAS-TU, DEUX MOIS APRÈS LES JEUX?

"Je suis déjà à fond, prêt à repartir au combat ! J’ai des beaux projets devant moi. Il n’y a rien de mieux pour évacuer la déception des Jeux. Finir onzièmes à Tokyo avec Kévin, ce n’était évidemment pas l’objectif qu’on s’était fixé, surtout après notre titre de champions d’Europe. Mais voilà, ça fait partie de la vie d’athlète. J’en discutais encore récemment avec Martin Fourcade, les gens ont tendance à ne retenir que les victoires, mais une carrière est aussi faite de défaites. Il faut savoir s’en servir pour rebondir."

QUELS SENTIMENTS T’ONT ENVAHI UNE FOIS LA COMPÉTITION TERMINÉE ?

"D’abord de la tristesse, celle liée au résultat et parce qu’avec Kévin l’histoire se terminait là-dessus, de manière brutale, sans avoir la possibilité de se rattraper. Une forme de soulagement ensuite de voir le supplice s’arrêter après une semaine compliquée pour nous. Et enfin de l’incompréhension, parce qu’on n’a pas trouvé les clés pour être plus performants."

QU’EST-CE QUI VOUS A MANQUÉ POUR ALLER CHERCHER CETTE MÉDAILLE?

"De la vitesse, ça c’est sûr. Déjà avant les Jeux, je trouvais qu’elle n’était pas au rendez-vous, pas suffisante en tout cas pour viser le podium. Ça s’est malheureusement vite confirmé pendant la compète, on n’a pas réussi à trouver l’accélérateur. C’est frustrant parce qu’on ne sait pas trop pourquoi, on n’a pas de réponses précises à nos questions. D’un autre côté, on sait aussi qu’on a tout donné et qu’on n’a donc rien à regretter. Ça reste en plus pour nous une belle olympiade, avec notamment un titre mondial, sans oublier la super aventure humaine avec Kévin."

LA DÉCEPTION EST-ELLE AUJOURD’HUI DIGÉRÉE?

"Presque... Ce n’est pas facile de tourner la page comme ça. L’après JO est toujours une période délicate à gérer. On a travaillé pendant cinq ans autour d’un objectif, en y mettant toute notre énergie. Quand celui-ci est passé, il faut réorganiser sa vie autour de nouvelles aventures, se recréer des repères, trouver les motivations et savoir si elles sont toujours bien présentes. Je peux le dire aujourd’hui : la flamme est toujours là ! Voir les autres repartir avec la médaille, ça m’a même donné encore plus la niaque !"

POUR T’AIDER À TOURNER LA PAGE, QUEL A ÉTÉ TON SAS DE DÉCOMPRESSION?

"La montagne, les potes et la famille ! Tout ça m’a aidé à relativiser l’échec. Savoir que tu es bien entouré, que tes proches sont en bonne santé, il n’y a rien de plus essentiel. J’ai d’ailleurs fait la connaissance d’une petite nièce qui est née pendant les Jeux. Partir s’aérer la tête en pleine nature, ça fait aussi beaucoup de bien. J’ai passé quelques jours dans la vallée de Chamonix. On a fait de la randonnée sur un glacier avec des amis d’enfance et ma copine. On est ensuite partis tous les deux dans les Alpes suisses, avec au programme de l’escalade, de la marche, de la course à pied... C’est hyper agréable de pouvoir faire du sport juste pour le plaisir, parce qu’on a tendance à être un peu des machines, qui poussent sans cesse le cardio sans trop réfléchir. En même temps, ça permet aussi de garder le rythme et ça évite de prendre trop cher à la reprise !"

LA REPRISE POUR TOI NE S’EST D’AILLEURS PAS FAITE SUR UN DÉRIVEUR 470 MAIS SUR UN BATEAU DE COURSE AU LARGE, AVEC LA TRANSAT JACQUES VABRE EN VUE (DÉPART LE 7 NOVEMBRE AU HAVRE). C’EST UN SACRÉ VIREMENT DE BORD POUR UN RÉGATIER OLYMPIQUE COMME TOI ! COMMENT EN ES-TU ARRIVÉ LÀ?

"C’est un projet un peu fou, que je dois à l’un de mes premiers entraîneurs en voile olympique, Cédric Chateau. Après la Transat Jacques Vabre 2019, qu’il a terminée à la sixième place, il m’a lancé ce défi de traverser l’océan Atlantique avec lui sur l’édition 2021. J’étais super motivé, mais c’était censé être un an après Tokyo 2020... Alors avec le report des Jeux je n’y croyais plus trop. Et puis Cédric m’a finalement rappelé en décembre dernier pour me demander si j’étais toujours partant. Ça me paraissait un peu compliqué niveau timing, mais il m’a vite rassuré en me disant que j’aurai simplement la playlist du bord à préparer ! Et voilà, aujourd’hui on y est, les musiques sont prêtes (rires)."

ÇA VA DONC ÊTRE ROCK’N’ROLL À BORD?

"Et pas qu’un peu (rires) ! Ce style de musique résume bien la vie à bord d’un tel bateau. C’est un Class40 (ndr : monocoque de 40 pieds) de dernière génération, très performant pour le portant (ndr : l’allure vent arrière) mais qui tape beaucoup. Quand t’es couché, tu sautes au plafond, ça a le mérite de bien te réveiller ! Mais j’ai aussi mis des musiques plus posées. Il en faudra pour toutes les humeurs et toutes les ambiances qu’on va connaître pendant la course !"

LA PASSERELLE ENTRE LA VOILE OLYMPIQUE ET LA COURSE AU LARGE N’EST PAS SI ÉVIDENTE...

"Il y a pas mal de grands skippeurs qui viennent de l’olympisme, comme Armel Le Cléac’h par exemple, mais ils sont en effet très peu à avoir percé avant de partir au large. Ce sont certes deux sports différents mais il y a des similitudes. En tactique par exemple, c’est un peu la même chose, mais à une échelle plus grande qui nécessite une meilleure compréhension des systèmes météo. Savoir se positionner par rapport à la flotte, être capable de faire avancer le bateau avec les bons réglages, tout ça est aussi assez similaire. La grosse différence, c’est qu’en voile olympique on ne risque pas notre vie. Là je m’apprête à effectuer un stage de survie... Je sens bien que je pars pour la grande aventure !"

AS-TU DES APPRÉHENSIONS PARTICULIÈRES AVANT CE SAUT DANS L’INCONNU?

"J’ai un peu peur forcément, mais c’est positif, ça veut dire que je vais être à l’affût pour réagir aux situations que je vais devoir gérer. Je n’ai jamais vécu de tempête et ma première nuit en mer je l’ai vécue lors de notre parcours de qualification, il y a à peine un mois... En même temps, je suis assez serein parce que je peux me reposer sur Cédric qui a une grosse expérience."

QU’EST-CE QUE TU VAS CHERCHER DANS UN DÉFI COMME CELUI-CI?

"Mes limites ! Dormir va être compliqué. Manger va être un défi. Tous mes paramètres vitaux vont être poussés au maximum. C’est une grosse mission que je me lance, d’autant que la voile n’est pas un milieu dans lequel j’ai baigné tout petit, à l’inverse de plein de grands marins. Moi j’ai commencé sur le lac de Cergy-Pontoise, j’étais un petit parisien. L’océan, le large, tout ça était très loin... Et puis les grands aventuriers, qu’ils soient montagnards ou marins, m’ont toujours fasciné et passionné. Je suis curieux de voir si je peux en être un ! Sortir de ma zone de confort va en tout cas me permettre d’en apprendre plus sur moi. Ça va être une expérience très enrichissante pour la suite."

LA SUITE C’EST AUSSI UN NOUVEAU PROJET EN 470 AVEC CAMILLE LECOINTRE ET PARIS 2024 À L’HORIZON...

"Eh oui, c’est reparti ! C’est top parce que tout le monde repart de zéro avec cette nouvelle mixité instaurée dans la discipline. Relever ce challenge avec Camille c’est un réel plaisir. On se connaît très bien après plusieurs années passées ensemble en équipe de France. C’est une combattante, comme moi. Elle a vécu trois olympiades, a remporté deux médailles de bronze, à Rio puis à Tokyo, donc ça va être génial de naviguer avec elle. D’apprendre à interagir avec une femme aussi. Je suis fier que notre sport puisse promouvoir cette mixité. À la barre, il y a aura des femmes, des hommes, les meilleurs de la discipline. Le niveau va être incroyablement élevé !"

L’OBJECTIF POUR PARIS 2024 SERA-T-IL L’OR À TOUT PRIX?

"On y va pour ça oui, on est clairs là-dessus. Quand j’ai vu la tête de Camille après sa médaille de bronze à Tokyo, j’ai vite compris que si elle y retournait ça ne serait pas pour enfiler des perles ! Ça tombe bien, parce que moi non plus. On est tous les deux champions du monde donc on sait que c’est un objectif à notre portée, mais on l’aborde avec beaucoup d’humilité car il y a tout à construire."

DANS LE CAMP ADVERSE, IL Y AURA PEUT-ÊTRE KÉVIN...

"Il y a des chances oui, mais je l’ai déjà prévenu : il va falloir qu’il s’accroche (rires) !"

LES ÉPREUVES DE VOILE DE PARIS 2024 AURONT LIEU À MARSEILLE... EN BAS DE CHEZ TOI!

"Quand j’y repense, c’est fou ! Camille va aussi bientôt venir habiter ici. On va donc pouvoir sillonner le plan d’eau olympique tous les jours. Avec toute l’énergie qui se dégage en plus en France autour de ces Jeux, la promotion de l’égalité hommes-femmes, une meilleure mise en valeur des athlètes paralympiques... Je vois vraiment ça comme la chance d’une vie."

POUR FINIR, QU'EST-CE QU'ON PEUT TE SOUHAITER?

"Déjà que j’arrive de l’autre côté de l’Atlantique, ça serait pas mal (éclats de rire). Et entendre résonner la Marseillaise, dans un peu moins de 3 ans... "

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