Laetitia Roux, reine du ski-alpinisme
© Manu Molle
Ski alpinisme
jeudi 19 janvier 2017

Laetitia Roux, reine du ski-alpinisme

Nous l'avions aperçu dans l'épisode 9 de la websérie "Rancho" dans un rôle de reine pour les besoins du tournage. Dans la vraie vie, c'est en ski-alpinisme que Laetitia règne. Portrait.

À l’aube de son premier départ en Coupe du monde, le 21 janvier prochain, Laetitia Roux revient sur son entraînement et sa forme du moment. La multi médaillée mondiale évoque aussi les clés de sa motivation et ses grands changements de l’hiver. Rencontre.

(ndlr : à l'heure où ces lignes sont publiées, Laetita vient de signer sa première victoire en coupe du monde de la saison.) 

COMMENT S'EST PASSÉE TA PRÉPARATION ?

Laëtitia Roux : Je suis contente, tout s'est bien passé. Pour une fois j'ai essayé de faire peu de compétitions en dehors de mon plan d’entraînement. J'ai seulement participé à l'Alps Epic en VTT (2ème en mixte) et à la Haute Route en vélo de route (1ère). J'avais envie de me concentrer sur mon physique. Les courses peuvent être intégrées au programme d'entraînement mais c'est toujours prenant au niveau logistique, stress et récupération. Tu y laisses forcément de l'énergie. J’avais besoin d’en faire moins. Un été plus lisse et plus "sage" qui s'est ressenti au niveau physique : aucune blessure à déclarer. Au niveau mental ça a été plus cool aussi. Le bilan est positif !

QUAND AS-TU REPRIS LE SKI ?

LR : Fin octobre, en Italie, au Stelvio. Ensuite, j'ai passé un bon mois et demi à Tignes. Faute de neige ailleurs, j'ai préféré rester là-haut. Nous avons eu de supers conditions. C'est la première fois que je passe autant de temps en altitude. Physiquement c'est plus contraignant, il faut faire attention. J'ai accumulé pas mal de fatigue mais comme la saison commence tard, c'est une expérience que j'ai eu envie de faire. Pour moi, c'était important, voire indispensable, mentalement, de me retrouver dans une ambiance hivernale durant cette période de préparation. Je suis pressée de voir si ce changement a été bénéfique.

JUSTEMENT, LA PREMIÈRE COUPE DU MONDE S'EST DÉROULÉE CE WEEK-END (21 JANVIER). TU SKIES DEPUIS LE MOIS D’OCTOBRE, ÇA DOIT COMMENCER À FAIRE LONG ?

LR : C’est super long avant la première coupe du monde. Tous les ans c’est plus ou moins la même chose. Nous avons quand même fait les Championnats de France de montée sèche en décembre (2ème), les individuels (1ère) et les sprints (1ère) le week-end dernier. Même si ça fait un départ ce n’est pas comme les compétitions internationales. C’est une période toujours compliquée à gérer. On s'entraîne depuis le mois de mai mais on a très peu de repères directs. L’automne est long et plus on se rapproche de l'hiver plus c'est long. Toutes les autres disciplines ont déjà commencé et nous…on attend ! On continue de s’entraîner mais il faut bien gérer. Faire attention de ne pas trop en faire pour ne pas se fatiguer et arriver en forme.

COMMENT TE SENS-TU À L'AUBE DE CES PREMIÈRES COUPE DU MONDE (21 ET 22 JANVIER EN ANDORRE)?

LR : Depuis que je suis rentrée de Tignes mes sensations physiques ne sont pas... magiques ! Mais je sens que l'énergie remonte, que ça va de mieux en mieux. C'est plus ou moins ce qui était prévu! Je pense que j'avais accumulé par mal de fatigue cet automne et que j'avais besoin de récupérer pour tirer profit de cette préparation en altitude. Aujourd'hui, je suis "bien dans ma tête", je me sens sereine, en accord avec moi. Je pense que le timing de récupération sera parfait pour la première coupe du monde. Cette saison j'ai surtout envie de me faire plaisir, de jouer, et d'apprécier chaque course, l'une après l'autre.

Laetitia Roux



APRÈS 15 TITRES DE CHAMPIONNE DU MONDE ET 6 VICTOIRES À LA PIERRA MENTA OÙ TROUVES-TU ENCORE LA MOTIVATION ?

LR : Ma motivation principale n’est pas de gagner mais de sentir que je progresse, que je continue d’avancer. C’est peut-être ce qui est le plus difficile. Quand tu es en haut, c’est difficile d’y rester. Et les années qui passent ne facilitent pas forcement les choses. Essayer de garder cette constance au sommet me motive. Je passe beaucoup de temps à me remettre en question. Au bout d’un moment, le physique a ses limites. Il faut trouver de nouveaux axes de progression. Je travaille beaucoup sur le développement personnel. Mentalement, il y a énormément de choses à découvrir. On ne sera jamais au bout de nos capacités. Le ski alpinisme est un sport qui demande beaucoup : on s'entraîne seul, il faut se dépasser, pousser le corps et ses limites. L’idée de mon travail est de réussir à garder un esprit détaché pour passer au-delà de la douleur. Se libérer dans l’effort. Ça se travaille mais je ne vous donnerai pas toutes les clés ! C’est un travail très personnel qui dépasse le cadre de la compétition et s’applique dans la vie de tous les jours. Plus qu’un entraînement, c’est une philosophie de vie globale.

QUELLES VONT ÊTRE LES NOUVEAUTÉS POUR TOI CET HIVER ?

LR : J’ai décidé d’arrêter les montées sèches. Je ne prends plus de plaisir dans ce format de course. Je n’ai plus envie de m’aligner au départ de ces compétitions et les Championnats de France me l’ont confirmé. Je n’ai pas réussi à me donner à fond car mentalement je ne trouvais plus l’intérêt, et donc l’envie. C’est un format axé sur le physique, moins technique que les autres disciplines. Au fil des années, j’ai progressé physiquement mais j’ai surtout beaucoup appris sur moi-même. Aujourd’hui j’ai envie de suivre mon intuition et mes envies. Pour le moment, ça n’enlève rien à ma motivation pour les courses individuelles et par équipe. Ces formats me font rêver. La descente et les parties techniques représentent, à mes yeux, le ski alpinisme dans toute son authenticité. Quels sont vos objectifs de la saison ? Mes deux gros objectifs vont avoir lieu à trois jours d’intervalles dans deux pays différents. Ce sera le gros défi de la saison. Je vais courir la course individuelle des Championnats du Monde en Italie, le 24 février et puis direction la Russie pour prendre le départ de la course par équipe des Jeux Mondiaux Militaires, avec Adèle Milloz, le 27. C’est un beau challenge et surtout deux belles compétitions qui me tiennent à cœur. Il y aura aussi, bien sûr, la Pierra Menta. Ce sera ma dixième participation, j’aimerais faire une belle course là-bas.

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